Parmi les nombreux impôts, corvées et autres obligations qui accablèrent la plupart des Bretons, il y eut la capitation, impôt levé par Louis XIV pour financer ses guerres, de 1695 à 1698, puis, de 1701 jusqu’à la Révolution cet impôt permet aujourd’hui – bien qu’il soit d’une rare complexité – au travers des rôles (conservés aux Archives départementales de Loire-Atlantique) d’approcher les niveaux de revenus qui prévalaient au début du 18ième siècle, et de situer Névez : paroisse riche ou paroisse pauvre. Les rôles disponibles ne concernent que le Tiers-Etat ; d’autres rôles concernaient la noblesse, les parlementaires, les artisans.
Il s’agit en théorie d’un impôt de répartition : son montant global est fixé à l’avance chaque année après négociation entre le pouvoir royal et le parlement de Bretagne. Le montant est ensuite réparti jusqu’au niveau de chaque paroisse, pour être une fois encore réparti entre les contribuables, dit « capités ». Ce principe de répartition s’avère cependant contradictoire avec l’idée de tarif identique pour chacun à l’intérieur d’une classe, ce qui, d’ailleurs, ne sera pas le cas.
Etaient contribuables les seuls chefs de famille pour le compte de leur maisonnée. Le montant ne dépendait pas des revenus ou de la fortune mais était sensé les refléter ; en pratique, des arrangements intervenaient. On observe que pour une même position sociale, le montant de la capitation était variable d’un individu à l’autre. Par exemple, une servante de Névez pourra payer entre 5 sols et 1 livre et 5 sols (soit un écart de 1 à 5 !). En étaient exemptés les indigents, qui devaient produire un certificat de leur curé. Quant aux prêtres, ils versaient une contribution volontaire (« don gratuit »). Les nobles figuraient sur un rôle distinct.
Les contribuables étaient répartis en 22 classes, selon le rang des personnes et l’estime sociale qu’on en avait. La plus élevé comprenait notamment la famille royale et les ministres.
En 1701, les Etats de Bretagne abandonnent la notion de classes telle qu’elle a été définie initialement : la contribution des paroisses rurales passe progressivement de 60 à 70 % au profit des habitants des villes et des gentilshommes. De plus 5 à 10% des sommes ne sont pas recouvrées dans ces 2 catégories.
Le nombre de contribuables à la capitation était globalement proportionnel à la population.
Les tarifs
Selon celui de 1695, la première classe paie 2000 livres, la classe 15 (gentilshommes possédant fiefs et châteaux) paie 40 livres, la classe 22 paie 1 livre. On trouve dans cette dernière des nobles, soldats, domestiques…
Les rôles de chaque paroisse sont présentés par frairies; à Névez, ce sont les frairies du Bourg, de Kerïou (Kerrun ?), Saint-Nicolas, Tréfernic, Tremorvezen et Kerancan (Kercanic).
Comment Névez est-il imposé ? L’examen des différents montants permet de situer les chefs de famille (ou « de feu ») dans chacune des catégories : disons le tout net, les Névéziens sont dans une honnête moyenne, et en cela ils ne font pas exception parmi les paroisses qui les entourent. L’imposition moyenne des paroisses étudiées oscille en 1720 entre 2£ 16s et 5£ 19s, soit en notation décimale, entre 2,80£ et 5,95£. On est, certes, à des années-lumière des impositions de certains capités qui se chiffrent en centaines ou en milliers de livres !
Il n’y a pas à Névez de « gros » contribuables, pas plus que dans les communes voisines. Une première exception toutefois : la paroisse de Concarneau où résident 3 contribuables un peu plus « lourds » : Le Sénéchal :54£, le Lieutenant du Roy: 42£, le Procureur du Roy: 42£. A Quimperlé, ensuite, où 3 gentilshommes se voient imposés respectivement à 52£, 68£ et 68£. Pour les autres, on a affaire à des cultivateurs, marins, marchands, journaliers, valets et servantes qui sont cantonnés vers le bas de la grille de répartition.
Les plus imposés de Névez s’acquittent en 1720 de 20 livres et se nomment Laurents le Mestric, Jan le Celin, Louis le Celin et Jan Herlédan ; et en 1742, les plus imposés ont pour nom Guillaume Guillou (26£), Jean Dervout (28£) et Jean le Scellin (29£). Ils sont l’exception parmi les 300 capités de la paroisse, qui se répartissent comme suit en fonction des montants acquittés en 1720 : Un tiers des capités paie moins de 1 livre, un autre tiers paie entre 1 et 5 livres.
A souligner, que même des personnes nobles, sont imposées comme le reste de la population : il est vrai que leur rang confine plus à une distinction honorifique qu’à une aisance financière supérieure. Leurs rôles, séparés, n’ont pas été conservés.
Evolution entre 1720 et 1742 à Névez
Entre ces deux dates, le tarif de l’impôt n’a pas été modifié, le montant moyen d’imposition reflète donc l’évolution de la « richesse présumée » de la paroisse. De ce point de vue, Névez aurait donc connu au début du règne de Louis XV un mieux-être significatif, puisque la moyenne de la capitation est passée de 3,14£ en 1720 à 4,01£ en 1742, soit +29% en 22 ans.
Qu’en est-il des autres communes ?
La « hiérarchie » s’est quelque peu modifiée.
Les paroisses rurales connaissent un faible accroissement de population (+5% à Melgven), ou même une baisse à l’instar de Névez (-12%) (cf grande mortalité enregistrée en 1741 en Basse-Bretagne), et à la différence des villes de Concarneau et de Quimperlé (respectivement + 32% et +37%).
Cette baisse de la population laisse penser que l’accroissement de la capitation moyenne traduit, dans les paroisses concernées, un accroissement de la richesse. Sont dans ce cas: Clohars-Carnoët (+19%), Bannalec (+6%), Concarneau (+5%), Mellac (+3%).
Avec ses 29% d’augmentation, Névez se situe loin devant. Par contre, Nizon (-28%) et Quimperlé (-18%) sont en fort recul. On ne dispose plus des rôles jusqu’à la Révolution: impossible donc de savoir si la relative aisance des Névéziens s’est poursuivie… voire accrue jusqu’à la fin de l’Ancien Régime..
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