Autrefois, c’était le bedeau qui mettait les morts dans le cercueil. Le bedeau de Névez, après avoir rempli son office chez un défunt, s’en retournait à l’église préparer l’enterrement quand, sur la barrière d’un champ, au bord de la route, il aperçut un homme.
- Bonjour camarade Jean-Louis ! dit l’homme en levant la tête qu’il avait d’abord tenue baissée.
- Comment ? s’écria le bedeau stupéfait, c’est vous qui êtes là, Jean-Marie Le Sellin !
C’était le mort qu’il venait d’enfermer dans son cercueil !
- Oui, c’est bien moi, répondit Le Sellin ; je suis venu t’avertir qu’il faut que tu recommences la besogne.
- Vous n’étiez donc pas bien tel que je vous ai mis ?
- Non, tu as replié mon bras gauche sous mon corps : je ne peux pas m’en aller dans cette posture.
Ce disant, il disparut.
Le bedeau rebroussa chemin, rentra dans la maison mortuaire, rouvrit le cercueil. Ce que Le Sellin avait dit était vrai : le bras gauche était replié sous le corps.
Le bedeau remit les choses en ordre et s’en retourna au bourg.
Comme il passait devant la barrière du champ, il vit le défunt qui était encore là, mais debout, la tête haute.
- Aurai-je commis quelque autre manquement ? demanda le bedeau.
- Mais non ! le mort se contenta de lui faire un signe de la main comme pour prendre congé.
- Que Dieu vous donne ses joies ! dit le bedeau en se découvrant.
Et ce fut tout.
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