Nous avons évoqué la présence du paquebot Normandie au large des côtes de Névez en 1935. La présence d’amers, constituant autant de balises, formait une « base de vitesse » permettant de mesurer les performances des navires sortant de chantiers navals de Lorient ou de Saint-Nazaire.
Tout de suite une précision: amer n’est pas un mot breton, mais normand (merki) qui signifie « borne, limite ».
C’est en 1910 que la Marine Nationale décide l’installation d’une « base de vitesse » destinée aux navires de guerre. Le site sera compris entre l’île de Groix et les Glénan. La côte de Névez paraît propice à accueillir une partie du dispositif. Un amer sera construit sur la dune de Raguénez, au lieu-dit Stang Dour, un autre sur l’île Verte.
Une base vitesse sert à valider les performances d’un nouveau navire lorsqu’il sort du chantier naval, au moment de l’armement. C’est un dispositif défini par la Marine Nationale et mis en place par elle.
La base est définie en fonction de la profondeur disponible: 50 mètres à Groix – Glénan est idéal.
Il s’agit de mesurer la vitesse entre deux points A et B, qui représentent une distance bien précise, exprimée en milles nautiques. Cette distance est mesurable grâce aux repères que constituent des balises (amers, clochers…)
2 alidades, placées sur les ailerons du navire, permettent de s’assurer de l’alignement des balises.
Les opérations sont pilotées par l’officier de quart, aidé éventuellement d’un timonier ou d’un autre officier de quart. Y participent aussi des ouvriers de l’arsenal d’où sort le navire.
Il faut plusieurs chronomètres très précis.
Les mesures doivent prendre en compte les courants de marées. Le nombre d’allers – retours dépend de la qualité des mesures effectuées: un seul peut suffire; parfois, il en faut quatre ou cinq. Les mesures sont effectuées à différentes vitesses moteurs.
Si l’on ne dispose pas encore de l’histoire de l’amer de Raguénez, il est vraisemblable qu’il fut construit entre 1910 et 1911, avec l’accord de la commune de Névez. Son observation révèle:
– 3 anneaux dans la partie haute, qui servaient à suspendre des structures servant de repères, pour des mesures plus précises.
– Une échelle incluse dans la maçonnerie, pour permettre la mise en place et le retrait des repères sur les anneaux. Par sécurité, les premiers échelons ont aujourd’hui, été supprimés. -La structure est bâtie en moélons de schiste, enduits sur la façade face à l’océan, simplement jointoyés sur la face arrière.
On possède quelques éléments d’histoire pour l’amer de l’Île Verte.
L’Île Verte étant, en 1910, la propriété de Madame Marie-Joséphine de Kergos, la Marine Nationale (Direction des Travaux Hydrauliques du Port de Lorient) sollicite son accord et lui propose une indemnité de 10 francs par an (soit environ 39 € actuels). L’accord est aussi sollicité auprès du notaire: Me Kerautret de Pont-Aven. On suppose que l’affaire se fit et que, comme les autres amers de la côte, l’édification se réalisa au cours de l’année 1911.
L’amer de l’Île Verte a été utilisé durant la seconde guerre mondiale par les Allemands comme cible d’entrainement au tir.
La corvette Aconit a été testée en juillet 1971, sur une seule journée. C’était le 1er embarquement pour notre ami Didier Thaéron. C’était aussi une des dernières utilisations de la base de vitesse.
Avec les moyens actuels de localisation, les amers n’ont plus d’utilité. Celui de l’île Verte se voit de moins en moins ; par contre, la mairie a repeint en 2019 celui de Raguénez, lui redonnant une nouvelle visibilité.
Michèle Sanogo, Didier Thaéron, Olivier Weill-Hébert
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