La vie quotidienne à NevezLes trésors de Nevez

Histoire de la Poste à Névez

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Avant le rattachement au Royaume de France, les Ducs de Bretagne avaient des messagers particuliers ou «chevaucheurs», assurant le service du courrier à l’intérieur du Duché. Les seules voies de communication étaient les anciennes voies romaines et les chemins que les seigneurs avaient fait ouvrir pour leur usage et celui de leurs vassaux.

L’ancienne coutume de Bretagne disait dans son article 43 : « tout seigneur laïque ou ecclésiastique rend la justice sur ses terres, à condition de consacrer le produit des amendes à l’entretien des chemins qui vont de ville marchande à ville marchande et aussi les communs ». Les seigneurs devaient également affecter à l’entretien des routes le droit de tonlieu qu’ils percevaient sur les marchandises qui transitaient sur le territoire de leurs fiefs.

La résistance bretonne

C’est en 1477, sous Louis XI, que sont établis en France, les relais de poste, et en 1576 les messagers royaux, chargés du transport de la correspondance pour le service exclusif du roi; puis pour le service des particuliers sous Henri IV, et enfin pour la commodité des voyageurs sous Louis XIV.

Depuis le rattachement en 1532, ce service s’est constamment heurté, depuis, au refus des Etats de Bretagne de s’y intégrer, car ils entendaient préserver l’indépendance de la Bretagne et rejetaient le mode de financement établi. Le service du courrier était assuré par les messagers des villes, qui en Basse-Bretagne ont résisté. En 1630, sont créés des contrôleurs provinciaux chargés d’organiser les nouveaux bureaux des dépêches. Un bureau est créé à Nantes sous la direction d’un « maître de courriers ». 

 

Carte géographique des Postes qui traversent la France – 1632 »

La Poste aux chevaux est destinée essentiellement à faciliter les déplacements des particuliers qui ne veulent pas prendre les voitures publiques. En voiture particulière ou à cheval, grâce à cette institution, on trouve des chevaux frais à chaque relais. La carte géographique des Postes aux chevaux de 1632 laisse la Bretagne bien à l’écart de toute communication. Seule Nantes est desservie à l’Ouest du pays, les dessertes se concentrant sur les axes militaires stratégiques : Ports et frontières. Lorient ne sera créée qu’en 1666, Brest n’est port militaire que depuis 1631. Même Rennes, pourtant ville importante et siège du Parlement de Bretagne, n’est pas desservie… alors la Cornouaille profonde ! 

Il faut attendre 1636 pour qu’existe un messager de Nantes à Quimper; en 1638, de Quimper à Paris. En 1645, ouverture du service aux particuliers : c’est la seule « ligne » en Bretagne.

Ce n’est qu’en 1738, sous Louis XV, que sont instituées cinq routes de Paris vers la Bretagne : Saint-Malo, Saint-Brieuc, Brest, Nantes et Lorient par Vannes. Point donc de desserte de notre Cornouaille.

Mais petit à petit, des routes complémentaires sont ouvertes, dont, en 1757, la liaison Lorient – Brest par Quimper, Châteaulin et Le Faou. Les Etats accordent, avec réticence, un relai de poste à Rosporden et un à Quimperlé. Tous deux seront fermés en 1870, comme tous les relais de poste en France, sous l’effet de la concurrence du chemin de fer. 

La desserte de Névez jusqu’en 1830

« Dictionnaire des Postes – 1754 »

Le parcours du courrier pour Névez n’est pas très clairement établi : selon le Dictionnaire des Postes de 1754, c’est à Quimper (Quimpert), paroisse dotée d’un « Bureau de Poste » que le courrier pour Névez (Nevet) doit être adressé.

Pourtant, il existe aussi un bureau de poste à Quimperlé, dont dépend Riec. Et « Nizou-Poudaven » n’est pas mieux lotie que Névez.

L’annuaire des Routes de postes de 1756 décrit les parcours suivis pour qu’un courrier puisse s’approcher au plus près de son destinataire à Névez.

On aura noté qu’à cette époque les distances se mesurent en « postes », soit 2 à 3 lieues de Bretagne ou 8 à 12 km. En 1759, la route des Postes fait le tour de la Bretagne, mais le nombre des relais n’a pas changé. 

Les premiers véritables bureaux de postes apparaissent en 1782, dans le cadre des fermes. On en distingue trois catégories d’importance, qui sont, pour notre région :

  • « Chef – bureau » : Quimper
  • « Bureau secondaire » : Quimperlé
  • « Bureau de distribution » : Concarneau (depuis le 1er octobre 1783)

En 1791, il existe 13 routes pour la poste aux lettres dont Paris-Brest et Nantes-Brest. En 1798, paraît la liste des routes parcourues par les malles-postes, le service devant en être assuré par la poste aux chevaux, dont Paris-Nantes et Paris-Brest.

En 1805, la liste est allongée avec un Nantes-Brest par Vannes, Lorient et Quimper. C’est, semble-t-il, à Pont-Aven que se trouvait le relais de postes sur cet itinéraire, relais le plus proche de Névez. Les voitures utilisées sont des Berlines, des Chaises, des Calèches ou des Cabriolets.

Pendant la Révolution le contrôle des courriers s’exerce chez les suspects. Pour les prêtres réfugiés en Espagne, tels ceux de Névez, plusieurs tentatives ont lieu pour déjouer les contrôles et pouvoir communiquer avec les familles ; ils conseillent ainsi:

« Emprunter un nom ou une main étrangère ; vous servir du jus d’oignon pour écrire ce que vous n’oseriez déclarer tout haut. Rien ne paraît, et en approchant du feu, on peut lire tout ce qui est écrit ».

Le début du XIXème siècle représente un renouveau pour la Poste aux lettres qui voit son activité s’élargir continuellement. Avec la réorganisation administrative postérieure à la Révolution, la correspondance des fonctionnaires a foisonné et il a fallu, en conséquence, une adaptation du service postal. La distribution du courrier atteint les campagnes, mais ne concerne que la correspondance administrative. Il faut attendre 1830 pour que le développement de la distribution rurale réponde aux besoins de la population, besoins encore limités et non prioritaires pour notre population qui, dans sa majorité, ne sait ni lire ni écrire et parle essentiellement le Breton.

Une boîte à lettres et un facteur à Névez

Le « service rural » est donc créé en 1830. Les campagnes sont désormais desservies par un facteur à raison d’une distribution tous les deux jours, et tous les jours à partir de 1832. Il y a alors 1775 bureaux de poste en France. Pour notre territoire, l’Annuaire des Postes ne mentionne que Quimperlé, avec un temps de parcours jusqu’à Paris de 59 heures.

En 1835, le Dictionnaire des Postes aux lettres indique toujours que le bureau de poste desservant le canton de Pont-Aven – donc Névez – est celui de Quimperlé. Dès cette date, les habitants de Névez peuvent déposer leur courrier dans une boîte au Bourg, boîte installée sur une maison particulière (on ignore laquelle).  Cette boîte est relevée par le facteur rural dépendant du bureau de Quimperlé.

Le facteur apposait sur les lettres la griffe qui se trouvait toujours à l’intérieur de la boîte : un « A » dans un cercle selon le modèle ci-contre.

« Extrait du Dictionnaire des Postes de 1836 »

En 1846, ouvre le bureau de Pont-Aven ; dès lors, c’est un facteur rural dépendant de ce bureau qui relève la boîte de Névez et rapporte le courrier à Pont-Aven. Les lettres reçoivent alors l’oblitération de … Pont-Aven, bien sûr ; seul le « A » permet aux – très – initiés d’identifier le courrier originaire de Névez.

Du 15 au 28 novembre 1847, une enquête est menée en France sur le trafic postal. Pour Névez, les résultats sont les suivants : « Pendant la période de 2 semaines, le facteur a distribué 9 lettres et en a trouvé 3 dans la boîte ».

30 années s’écoulent avec cette organisation, jusqu’à ce qu’apparaisse à Névez, en 1876, une innovation… vieille de 80 ans ! Un « messager communal » est institué en application d’un arrêté du Directoire de 1796 faisant obligation aux communes d’entretenir un « piéton » ou « messager de correspondance » chargé de prendre le courrier officiel tous les trois jours au bureau de poste le plus proche.

Notre messager s’est installé à Névez avec sa famille vers 1875 ; il s’appelle Pierre Caudan, a 57 ans, habite au Bourg avec sa femme Marie-Anne Costiou, et leurs enfants Catherine et Louis. A partir de 1880, il vit à Kerilis. En 1901, il est toujours messager, à l’âge de 77 ans ! 

Un bureau de postes à Névez

Au début du siècle, le Directeur des Postes et Télégraphes décide de la création d’un Bureau de Postes à Névez, avec objectif d’ouverture au 1er juillet 1908. Le Conseil Municipal qui prend la construction à sa charge, tarde à délibérer. Ce n’est que le 26 avril 1908, que le Conseil, après mise en demeure du directeur des Postes et Télégraphes, approuve la construction d’un bureau de postes, avec logement.

Le 27 mai 1908, le préfet autorise le projet de construction pour un montant de 4 800 francs, à financer entièrement par emprunt. Après 6 mois de travaux réalisés par l’entreprise Satre de Pont-Aven, le bureau de Névez ouvre le 11 décembre 1908. La poste se trouvait à l’emplacement contigu à l’actuel garage Citroën, sur la route de Port-Manec’h à la sortie du Bourg. 

« Le premier bureau de poste, route de Port-Manec’h »

Le premier receveur en fut François Boulic, originaire de Mellac, alors âgé de 32 ans, marié à Marie-Hélène Le Moal, de Tremeven. C’était un « Bureau de Distribution », c’est-à-dire un bureau secondaire qui ne faisait pas toutes les opérations postales. Il recevait et distribuait le courrier. Il dépendait d’un bureau principal ou « Bureau de Direction » (avec un directeur), celui de Pont-Aven.

Le premier facteur de Névez fut François Le Grand (né en 1872 à Langonnet), marié à Camille Glémarec 26 ans, de Nizon. Ils avaient 2 enfants : Anne-Marie (née en 1907) et Marcelle (née en 1908). En 1914, dans l’Annuaire indicateur des postes, le bureau de postes de Névez est un « établissement de facteur – receveur » et un « bureau municipal télégraphique desservi par téléphone ».

Le 26 août 1923, le Conseil municipal vote un crédit de 50 francs pour l’installation d’une boîte à lettres à Port-Manec’h.

Le 16 juillet 1929, le Conseil municipal vote un crédit de 100 francs annuel à Catherine Guillou, de Pouloré (actuel quartier de la pharmacie), pour qu’elle gère la boîte aux lettres mobile de la gare.

A la veille de la seconde guerre mondiale, le bureau de Névez a acquis une importance certaine : traitement du courrier, échange de lettres avec valeur déclarée, colis postaux, mandats ordinaires et télégraphiques et recouvrements. Le receveur en est, depuis 1931, Henri Louarn originaire de Plogoff, qui a épousé Germaine Guyader de Névez. Après la guerre, en 1945, le bureau de distribution est transformé en bureau de recette, c’est-à-dire un bureau à part entière qui assure toutes les opérations postales. Henri Louarn est toujours receveur. A sa mort il sera remplacé par sa femme Germaine.

« Appel d’offres pour la construction de la mairie et de la poste »

Une nouvelle poste sera construite en 1954, en même temps que la nouvelle mairie ; elle a fonctionné jusqu’en 2022, date à laquelle elle a été fermée, remplacée par une Agence Postale », tenue par le personnel de la mairie. Les locaux ont été réalloués aux services de la mairie.

« Appel d’offres pour la construction de la mairie et de la poste »

Les adresses postales doivent comporter le code du département à partir de 1965. A partir de mai 1962, afin d’accélérer la distribution, le courrier adressé à Névez reçoit le code « 29S », Finistère sud, le tri étant effectué à Quimper, tandis que le courrier codé « 29N » voit son tri effectué à Brest.

A partir de 1972, c’est le code postal qui s’impose dans toute la France. Dans le Finistère, pour ne pas bouleverser la logique nord – sud, les codes attribués aux communes du sud-Finistère ont la structure 291xx; les codes attribués aux communes du nord-Finistère ont la structure 292xx. Ainsi, Névez reçoit le code « 29139 ». Cette méthode de numérotation propre au 29 laisse inutilisées des centaines de possibilités. L’Administration modifiera cette logique en 1989 en attribuant le code 29920 à Névez.

De 1976 à 1983, à la demande de la commune, l’administration, pour soulager le bureau du Bourg, décide d’ouvrir, l’été, un guichet annexe à Port-Manec’h :

Celui-ci se situe avenue de l’Océan dans la « salle paroissiale » sur le terrain des tennis. Cette salle est le siège du Comité des fêtes de Port-Manec’h. L’été la poste y est installée. 

La salle paroissiale en 2020

En 1983, les Postes demandent à la Commune un local plus central, dans l’artère principale, la rue Ar Moor.

M. Mellac accepte de louer un local dans sa maison au numéro 24, c’est-à-dire au cœur du petit pôle commercial d’alors, où l’on trouvait l’épicerie de Madame Guichet (à l’emplacement du Rocher), à sa droite (en regardant l’épicerie) les vêtements de chez Yvette, en face, la boucherie et à côté de cette dernière, le bureau de poste. Le déclin du trafic des lettres et des cartes postales de vacances a eu raison de cette innovation en 1984.

Malgré tous les efforts de l’Administration postale pour que tout fonctionne parfaitement, Névez présente une difficulté immense, interdisant la distribution du courrier :

l’homonymie, comme en témoigne l’existence de ce rare petit tampon encreur « nom commun à plusieurs personnes » !

« Le bureau de poste en 2020 »

Olivier Weill-Hébert

Un grand merci pour leurs précieuses informations

– à notre ami Claude Queno ;

– à Bruno Le Peut, Président de l’Amicale Philatélique Concarnoise ;

– à la Bibliothèque Historique des Postes et des Télécommunications (BHPT).

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